Je pense trop: comment canaliser ce mental qui me dérange trop souvent ?

Il n'y a pas longtemps, j'ai publié un statut sur un livre qui s'intitulait
"Je pense trop: comment canaliser ce mental envahissant". Ce livre traitait des neuro-droitiers et des surdoués.

À ma grande surprise, quelques-uns de mes athlètes voulaient que je leur prête le livre alors qu'ils ne semblaient pas être neuro-droitiers. Ils voulaient que je leur prête le livre tout simplement à cause du titre. Ces athlètes trouvaient qu'ils pensaient trop.

C'est alors que j'ai eu l'idée d'écrire cet article sur la pensée et sur la façon de canaliser ce mental qui souvent se met à nous déranger de façon obsessive.


Ça ne vous a jamais frappé ?

La première chose qui frappe lorsqu'on s'interroge sur la pensée humaine, c'est que tout le monde pense. La pensée est quelque chose de fondamental dans le fonctionnement de l'esprit humain. Et pourtant, vous ne trouverez aucun cours dans votre cursus scolaire qui vous expliquera ce qu'est la pensée, son fonctionnement et encore moins comment la maîtriser en tant qu'outil.

Si vous ne tombez pas sur l'information nécessaire, vous risquez de subir votre pensée durant toute votre vie au lieu d'être capable de l'utiliser.

Cet article n'a pas la prétention de faire le tour de la question, qui est en fait est une question sans fin tellement la pensée est quelque chose de complexe. Mais il devrait pouvoir vous donner les bases nécessaires pour comprendre que vous n'avez pas à subir votre pensée en permanence et que vous pouvez apprendre à l'utiliser au lieu de la subir. À la suite de cet article, vous devriez pouvoir aller plus loin par vous même.



Réflexion numéro 1: la pensée est un système semi-automatique

La respiration, vous connaissez. Et bien la respiration est la plupart du temps automatique et vous n'en avez pas conscience. Vous respirez à longueur de journée sans même vous en rendre compte. Par contre, vous pouvez prendre le contrôle de votre respiration quand vous le voulez. Vous pouvez décider d'arrêter de respirer ou encore décider de respirer suivant un rythme particulier. Très utile de pouvoir bloquer sa respiration lors d'un incendie pour pouvoir éviter d'absorber la fumée ou encore quand ça sent mauvais ;-)

La pensée est aussi un système semi-automatique. La plupart du temps, les pensées viennent dans votre tête comme ça au hasard des évènements de votre vie sans que vous décidiez quoi que ce soit. Mais vous pouvez aussi décider de penser à quelque chose en particulier. Vous pouvez décider de penser à votre blonde et de continuer à penser à elle pendant plusieurs minutes. Puis par manque de concentration, d'attention et d'énergie, les pensées automatiques non voulues reprendront le dessus.



Réflexion numéro 2: nous nous identifions à nos pensées

Pourquoi les pensées prennent-elles autant de place dans notre vie et peuvent-elles devenir obsédantes et même empoisonnantes; c'est parce que nous nous identifions à nos pensées.

Certaines de nos pensées peuvent tourner à l'obsession et tourner en rond dans notre esprit pendant des heures et nous vider de toute notre énergie. Elles peuvent même nous empêcher de nous concentrer ou de penser à autre chose.

Il est alors assez difficile d'accepter que nous ne soyons pas nos pensées, qu'il y ait une distinction entre "celui qui pense" et les pensées elles-mêmes.

Et pourtant, il y a une énorme différence entre le "penseur" et la "pensée". Mais personne ne nous apprend ça.



Réflexion numéro 3: les pensées s'accrochent les unes aux autres

Pour pouvoir mieux connaître comment fonctionne notre système de pensées, il faut pouvoir les observer. Pour pouvoir les observer, il faut avoir la capacité d'être conscient des pensées qui passent dans notre tête. Il faut devenir conscient de comment les pensées s'accrochent les unes aux autres.

Petit exercice pour prendre conscience de vos pensées: prenez une feuille de papier et un stylo et pendant 10 minutes, notez toutes les pensées qui vous viennent à l'esprit. Ensuite, relisez la feuille en vous demandant qu'est-ce qui a provoqué cette pensée ?

Au bout d'un certain temps, vous deviendrez de plus en plus conscient de vos pensées, de leurs caractères automatiques, de leur existence. Chaque pensée vient au monde, vit et meurt à un moment donné.

Voici un petit exemple du fonctionnement de la pensée. J'aperçois mon cellulaire. Cela me fait penser que ma blonde m'a envoyé un texto hier soir pour se plaindre qu'elle trouvait qu'on ne se voyait pas assez souvent. Je pense alors qu'hier soir, j'ai dû faire du temps supplémentaire à mon travail et que c'est à cause de ça que je n'ai pas pu voir ma blonde. Je pense alors que j'ai fait du temps supplémentaire parce que Michel n'est pas rentré au travail encore une fois et que mon patron m'a demandé de le remplacer à la dernière minute. Je pense alors que Michel n'est pas fiable comme employé et comme personne. Cela me fait aussi pensé que mon patron ne fasse pas son travail de patron, qu'il n'avertit pas jamais Michel et que c'est toujours les autres employés qui écopent. Et ainsi de suite... Tout d'un coup, on sonne à la porte. Un colis est livré à la porte et je dois payer les frais de transport par carte de crédit. La carte de crédit est dans mon portefeuille et je ne trouve pas mon portefeuille. Où est-ce que je l'ai mis hier soir en revenant du travail ? Et oups, je me remets à penser à ma blonde, Michel et mon patron.

La pensée originale est venue du fait que j'ai aperçu mon cellulaire qui m'a remis quelque chose en mémoire. Ensuite, chaque pensée a été engendrée par la pensée précédente. L'ensemble de pensées concernant ma blonde, Michel et mon patron a été interrompu par le fait qu'on sonne à la porte. D'autres pensées sur un autre sujet sont apparues: portefeuille, carte de crédit. Et puis, tout d'un coup, une pensée me ramène sur l'ensemble de pensées de départ. On commence là à parler de pensées obsédantes qui peuvent devenir aliénantes.

Donc les pensées peuvent être déclenchées par un évènement ou un objet extérieur ou encore elles peuvent tout simplement être déclenchées par la pensée précédente.




Réflexion numéro 4: vous ne pensez pas tout le temps malgré ce que vous croyez

La plupart des gens croient qu'ils pensent sans arrêt et pourtant c'est faux. Certaines personnes en sont conscientes et d'autres pas.

Faites l'expérience suivante autour de vous. Dites à un groupe de personnes que vous allez compter jusqu'à 5 et qu'à 5 ils doivent arrêter de penser. La plupart des personnes vont vous dire qu'elles ne peuvent pas arrêter de penser. Pourquoi ? Je vous défends de penser à un ours polaire blanc. Que se passe-t-il ? Automatiquement, l'ours polaire blanc apparaît dans votre esprit. Donc si vous vous dites que vous devez arrêter de penser et bien vous pensez et donc vous n'êtes pas en train d'arrêter de penser.

Et pourtant, un certain nombre de personnes vont vous dire qu'elles ont arrêté de penser. Vous remarquerez que souvent ce sont des personnes au tempérament calme. Qu'est-ce que ces personnes ont fait pour arrêter de penser ? Et bien rien justement, elles n'ont rien fait. Elles ont laissé les pensées qui étaient dans leur tête s'évanouir et puis elles n'ont rien fait. Surprise, arrêt momentané du flux de pensées.

Une autre façon de s'apercevoir que l'on peut arrêter de penser et d'observer chaque pensée indépendante qui passe dans notre tête comme si c'était une entité vivante. Chaque pensée naît, vit et meurt. Lorsqu'elle meurt, avant qu'apparaisse l'autre pensée, il y a un temps mort, un espace vide, un temps sans pensée.

La plupart des gens passent leur vie sans s'apercevoir de cet espace vide de pensée parce qu'ils ne tournent jamais leur conscience sur le processus qui se passe dans leur tête. Si vous restez calme et ne faites qu'observer votre flux de pensée, petit à petit, cet espace de non pensée va devenir de plus en plus conscient et peut même devenir de plus en plus long.


Réflexion numéro 5: une pensée persiste lorsque vous lui donnez de l'énergie

Vous vous souvenez du parallèle entre la respiration et la pensée au niveau des processus automatiques et conscients. Passons à un autre exemple.

Vous allez faire l'exercice suivant. Vous fermez vos yeux et vous observez votre respiration. Vous sentez l'air entrer par votre bouche ou votre nez. Vous sentez votre ventre gonfler et dégonfler. Vous sentez vos côtes bouger. Vous prenez conscience des petits temps morts entre chaque respiration.

Lors de cet exercice, certaines personnes arriveront à observer leur respiration sans influer sur le processus automatique. Elles vont être capables d'observer leur propre respiration sans interrompre le processus automatique. D'autres personnes en seront incapables, du moins au début. Dès qu'elles se mettront à observer leur respiration, elles vont avoir tendance à interrompre le processus automatique et à prendre le contrôle de leur respiration sans le vouloir. Elles seront donc incapables de ne pas influer sur leur respiration et de rester tout simplement un observateur. Ne vous en faites pas, ça vient avec la pratique.

Quel rapport avec la pensée ? Lorsque vous observez vos pensées un peu comme si elles étaient vivantes, vous allez les voir venir au monde, vivre et mourir. À condition que vous ne leur fournissiez pas d'énergie. Vous devez les observer comme vous observer votre respiration, sans intervenir sur votre respiration, sans leur donner de l'énergie, sans les alimenter en carburant. Si vous réussissez à les observer de cette façon, vous allez vous apercevoir que les pensées s'évanouissent de plus en plus vite et qu'à un moment donné, vous allez arrêter de penser. Tout ce qui restera sera la conscience, le penseur. Et tout d'un coup, vous allez vous dire "Yes, je viens d'arrêter de penser" et à ce moment vous serez en train de recommencer à penser LOL ;-)


Réflexion numéro 6: vous n'êtes pas vos pensées

Au fur et à mesure que vous allez apprendre à observer vos pensées et que vous allez sentir qu'elles viennent au monde, vivent et meurent et que vous allez prendre conscience des espaces sans pensées entre les pensées; vous allez de moins en moins vous identifier à vos pensées.

Juste le fait que vous puissiez prendre conscience et observer vos pensées prouvent que vous n'êtes pas vos pensées. Qui est-ce qui sait que vous êtes en train de penser ? C'est vous et non une autre pensée. Une pensée ne peut observer une autre pensée. C'est votre conscience qui observe vos pensées.

De plus vos pensées fluctuent, changent au cours de votre vie. Que ce soit vos opinions politiques, vos croyances; tout cela change régulièrement. Les pensées changent, mais le penseur reste... Vous n'êtes pas vos pensées.




Conclusion: comment bien utiliser ses pensées et mettre fin aux pensées obsédantes

Le pensée est un processus automatique dont on peut prendre le contrôle temporairement.
La pensée devient alors un outil très utile lorsque j'ai un problème à résoudre par exemple. Après que le problème est résolu, le flux de pensées automatiques reprend le dessus.

Nous ne sommes pas ce processus de pensées automatiques. Nous ne sommes pas nos pensées. Nous sommes celui qui pense.

Donc il ne s'agit pas tellement d'arrêter de penser car les pensées viennent automatiquement. Il s'agit plutôt de se libérer de nos pensées.

En apprenant à les observer à distance comme des êtres vivants (naissance, vie, mort), vous allez aussi apprendre à arrêter de leur donner de l'énergie et ainsi mettre un frein aux spirales de pensées obsédantes et aliénantes.

Si vous poussez plus loin, vous trouverez des exercices qui vont permettront d'allonger les périodes sans pensées et de vivre ainsi dans un espace de conscience pure dépourvu de stress. Mais ça, c'est une autre histoire....


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Extrait du livre "Petit traité de la connaissance de soi", Par José Le Roy, Éditions Almora, Collection Spiritualités Pratiques, 2013 
Chapitre "Suis-je mes pensées ?" page 130 et 131

"Entre deux nuages il y a un intervalle, et cet intervalle est le ciel bleu ! Ralentissez les pensées et regardez les intervalles ! Oui ! Examinez les intervalles et prêtez davantage d'attention à l'intervalle qu'au nuage !

Là où la première pensée a disparu, et où l'autre n'a pas surgi, c'est la Conscience, c'est la Liberté, c'est votre propre place, votre propre demeure. Vous êtes toujours là, voyez-vous.

Déplacez votre attention, changez d'habitude. Ne regardez pas l'image mais l'arrière fond ! Si j'installe devant vous un grand tableau noir de la taille du mur et que j'y dessine un petit point blanc puis que je vous demande "Que voyez-vous?" Vous serez quatre-vingts dix-neuf pour cent à ne pas voir le tableau. Vous répondrez: "Je vois un petit point blanc". Un si grand tableau noir n'est pas perçu, et un petit point blanc presque invisible, est vu. Pourquoi ? Parce que c'est la tendance habituelle de l'esprit: regarder le dessin et non le tableau noir, le nuage , non le ciel, la pensée non la conscience.

Voilà en quoi consiste l'enseignement. Toujours regarder la Conscience et comprendre qu'elle est ce que vous êtes ! C'est votre propre place, votre propre demeure....

Poonja, maître indien, XXe siècle, extrait de Truth is, Éditions Weiser Books, traduit par José Le Roy

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